HELENE REGELLY
Je devais avoir quatre ans car Joëlle n’était pas encore née lorsque j’ai rencontré mon destin. Ce jour là, j’étais sortie avec mon papa, et pendant la promenade, mon papa a eu de plus en plus mal aux dents. C’est ainsi que nous avons échoué chez son dentiste.
Tout à coup, dans la salle d’attente, venant de la pièce voisine, s’est élevé une voix cristalline : a-a-a-i-e-a-o… a-a-a-i-e-a-o… a-a-a-i-e-a-o… a-a-a-i-e-a-o… mon père, à cause de sa position d’orphelin chargé de quatre frères plus jeunes, ma mère, à cause de sa santé fragile, ont du renoncer à poursuivre leurs études après avoir obtenu leur Certificat d’Etudes Primaires. Mais leur livre de chevet était le Dictionnaire Larousse, ils étaient curieux d’apprendre et étudiaient beaucoup par eux-mêmes. Si bien qu’ils avaient toujours réponse à toutes nos questions.
Devant mon air étonné, papa m’explique que la femme de notre dentiste est une artiste lyrique, qu’elle est chanteuse, soprano, que c’est une diva d’Opérette. Ce que j’entends sont des vocalises qui servent à préparer la voix pour pouvoir chanter…
La salle d’attente est bondée, l’attente est longue. De la pièce voisine s’élèvent maintenant des chants harmonieux, délicieux, divins… Papa en a oublié son mal aux dents, et moi, je suis subjuguée, envoûtée… « Monsieur Besso… »
Nous entrons dans une pièce froide et peu rassurante. Le dentiste s’occupe de mon père, et je suis de moins en moins rassurée. Son intervention achevée, le dentiste se retourne vers moi, sourit et dit : « quelle jolie petite fille, tu es sage au moins ? » Mon papa lui répond que oui, et en parlant, il en vient à lui confier que je suis complètement conquise par la voix de sa femme.
Je manque de mots pour lui expliquer combien c’était beau et que j’ai cru entendre la voix d’un ange, ce qui le fait encore sourire…
« Hélène ! Hélène ! vient voir ! » La dame qui pénètre dans la pièce est le portrait de sa voix. Elle est belle, jeune, radieuse, porte de longs cheveux bouclés et a les plus beaux yeux du monde. (Excepté ceux de ma maman bien sûr)
Elle me parle avec gentillesse, tellement de gentillesse que je me lance : « Moi, je veux être danseuse ! » et je me mets à esquisser des pas de danse. Je n’ai jamais pris de cours de danse, mais j’imite Shirley Temple, mon idole au cinéma…
Hélène Régelly sourit et demande à mon père s’il accepterait que j’apprenne à danser… Oh oui, c’est le rêve de ma maman depuis qu’enfant, elle a vu Anna Pavlova interpréter « La Mort du Cygne ».
Elle lui remet alors un mot d’introduction auprès de madame Simone Teychené, professeur de danse au Conservatoire de Toulouse… « Présentez-la de ma part »…
C’est parti ! en route pour l’aventure…