Alors qu'au Moyen-Age les femmes sont exclues des corporations d'acteurs qui sillonnent le pays de ville en ville parce qu'on estime inconvenant le fait qu'une femme puisse se produire en public, certains Etats Italiens lèvent cette interdiction. Les femmes font alors leur apparition sur scène: elles chantent, elles jouent la comédie, elles dansent, et parfois d'une très belle manière. Mais elles sont très peu payées par rapport aux hommes et leur condition de travail est souvent très dure.
De toutes façons, jusqu'en 1581, date du premier ballet de cour, la danse n'a qu'un seul but, la satisfaction du danseur. Elle n'a besoin ni de critique, ni de public. Mais à partir de cette date, elle devient théâtrale. Le danseur est un interprète qui permet au public de vivre de merveilleuses aventures dont il pourrait être le héros, d'oublier la vie quotidienne et ses aléas.
C'est dans les Cours que le théâtre commence à se développer et que petit à petit naît cette forme la plus difficile de la danse, le ballet classique, qui représente une des traditions les plus intactes du théâtre occidental.
Depuis six siècles, le ballet classique n'a jamais totalement disparu ou cessé de plaire. Il est empreint de grâce, ses attitudes sont toujours nobles et étudiées. Les danseurs ont un maintien royal hérité des premiers danseurs de ballet qui étaient uniquement des rois et des aristocrates.
Le 15 octobre 1581, Balthazar de Bojoyeux présente "Le Ballet Comique de la Reine" à la Cour de France pour le mariage d'un ami du roi Henri III, le duc de Joyeuse, ballet à grand spectacle alternant parades, danses et longues tirades poétiques en l'honneur du marié.
Les premiers ballets sont splendides, mais ils sont extrêmement longs et très coûteux. Les rois y participent. Pendant une vingtaine d'années, Louis XIV prendra une leçon quotidienne auprès de son maître à danser, Charles de Beauchamp. D'ailleurs, tous les courtisans prennent des cours de danse pour apprendre l'en-dehors, la tension des jambes, la coordination des mouvements de la tête et des bras... Tous cherchent le brillant du travail des pieds, l'élévation, le ballon, la tenue particulière de la colonne vertébrale qui doit être droite et immobile, la ligne des hanches et celle des épaules qui doivent être horizontales et immobiles, le passage d'une pose à l'autre qui doit être en équilibre et partir de l'axe du corps... Technique encore en vigueur de nos jours, avec la même exigence de suivre une leçon quotidienne si on veut se produire devant un public.
Les ballets de Louis XIV ont lieu à l'Hôtel de ville ou dans les palais royaux. Louis XV fait construire un théâtre privé où on n'accède que sur invitation. Marie-Antoinette a la passion de la danse. A Vienne son professeur était le grand Georges Noverre.
Des théâtres publics sont ouverts à Paris, mais au début, alors que les Princesses ont le droit de se produire à la Cour, les femmes ne peuvent pas apparaître sur les scènes publiques. Alors les hommes se travestissent pour jouer les rôles féminins.
Les pas des ballets de cour sont simples parce que les danseurs sont des amateurs et portent des costumes encombrants et très lourds : grandes perruques, costumes volumineux brodés d'or et de pierreries, longues traînes chargées elles aussi de gros bijoux. Pour tenir ces traînes, on en arrive à tenir les bras légèrement arrondis, et même à pincer les doigts de la main pour les tenir. Les manches sont alourdies par une foison de dentelles qui limite le mouvement des épaules. Par contre, le pied est mis en valeur. Il doit être petit, fin, élégant, légèrement cambré. La taille est élégante et fine. Les mains sont racées, les dos sont superbes, les jambes galbées, et le port de tête doit être très noble. Ces costumes pèsent parfois jusqu'à vingt kilos, ce qui fait que les danses sont essentiellement composées de pas glissés sur les sol, de marches, de défilés. Tout est basé sur le déplacement dans l'espace. C'est une perfection géométrique.
On y dépense des fortunes. Les décors, les accessoires et les machineries de scène sont conçus par les plus grands architectes et les plus grands peintres. les costumes sont fabriqués à partir de tissus de velours de Venise, de soie de Lyon, de lamé d'or ... Les décorations sont des joyaux véritables. Dans les défilés, on utilise des chevaux pur sang !
Rois, princes, courtisans, tous se passionnent pour le théâtre. Des représentations sont données chaque semaine dans les palais et les résidences de campagne. Certains ballets durent six heures. Seulement, six heures de marche et de déclamations, pour des amateurs faisant partie de la noblesse, cela commence à paraître un peu trop fatiguant. L'idée de recourir à des professionnels commence à germer.
Le maître à danser et ses meilleurs élèves roturiers vont donc avoir progressivement la charge des parties les plus laborieuses. Peu à peu, les professionnels vont prendre le pas sur les amateurs et attirer l'attention du public.
On construit alors des théâtres à l'Italienne où acteurs et publics sont face à face séparés par un grand espace où se trouvent un orchestre et son chef. La séparation est renforcée par une rampe de chandelles, nécessaires pour l'éclairage de la scène mais aussi permettant de faire une barrière de feu symbolique entre les spectateurs et les danseurs.
Les danseurs portent des masques pour imiter les acteurs grecs de l'antiquité, mais surtout pour que l'on ne puisse pas reconnaître les seigneurs qui se produisent avec des roturiers.
En 1660, Louis XIV charge son maître à danser, Monsieur de Beauchamp de "codifier, classifier et cataloguer le style et tours les pas acceptables et dont la grâce plaisait". Ils sont encore connus dans le monde entier sous l'appellation française.
Cela entraîne la fondation de l'Académie Royale de danse (ancêtre de notre Opéra de Paris), la création d'une troupe professionnelle et celle d'une école de danse.
A leur tour, les élèves de Beauchamp et de Pécour deviennent des maîtres et forment des artistes qui vont de Cour en Cour en Europe.
Peu à peu, chaque prince, chaque roi désire avoir son Opéra et son ballet.